Romains 12 chapitre 15 dit : « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent ». C’est pour faire corps avec ce verset que je me suis retrouvée à faire 156.2 km de route comprimée comme une sardine.
scène de vie
Tout commence un jour du mois de novembre. Il est un peu plus de 16 heures ce jour-là. Je suis en train de travailler quand j’entends vrrmm ! vrrmmm ! C’est mon téléphone qui vibre. Je reçois le message d’un ami qui m’annonce le décès de son père. Oh ! Triste nouvelle ! Je l’appelle et j’essaie comme je peux de lui remonter le moral. C’est le moment que je redoute souvent lorsqu’un proche m’annonce un décès, car trouver les bons mots n’est pas toujours évident.
Passé l’étape des préparatifs, le programme des obsèques est arrêté et le deuil a lieu à Nyanon. Vous savez où ça se trouve ? Attendez je vous explique une chose avant qu’on embarque pour ce voyage. Nyanon est l’une des neuf communes que compte le Département de la Sanaga Maritime dans la région du Littoral. Vous devez vous dire que bon, pour quelqu’un qui vit à Douala c’est la porte d’à côté. Que non. Compte tenu du mauvais état des routes dans le Littoral, il faut passer par la région du Centre pour rallier certains villages dans la Sanaga Maritime. Bienvenue à bord de ma Toyota en direction du pays Bassa.
Il est 2 heures 30 minutes de la nuit quand je sors de chez moi pour l’agence. C’est un calme de cimetière qui règne sur la ruelle du quartier qui donne sur l’axe principal. Celle-ci est clairsemée çà-et-là de quelques rayons de lumière qui filtrent des domiciles le long de la route. Je m’arme de courage et en plusieurs enjambées, j’atteins la route principale. La circulation est presque inexistante. Sporadiquement on aperçoit des motos rouler dans les deux sens de la voie. Après 5 à 10 minutes d’attente, je finis par héler une moto qui me conduit à l’agence.
3 heures. Je suis dans le bus qui me conduit à Yaoundé. Malgré le confort de ce vip, je suis anxieuse. Je n’ai pas toutes mes cartes en main et je déteste ça. Tout ce que je sais, c’est qu’une fois à Yaoundé, je dois me rendre du côté du carrefour Etoa Meki pour la suite de mon voyage. 8heures 10 minutes, le gros porteur fait son entrée à la gare. N’étant pas loin, je me dépêche de stopper un taxi pour Etoa.
5 heures d’inconfort
Il est près de 9 heures quand j’arrive au carrefour Etoa Meki. Le carrefour grouille. L’odeur du pain nouvellement sorti du four parfume les narines des passants. La boulangerie du coin est le principal attrait du lieu par cette matinée du samedi. Aucun signe ne laisse présager qu’il y a une gare routière dans le coin. « Bonjour monsieur, s’il vous plaît la gare de Nyanon c’est où ici ? » J’accoste un passant pour me renseigner. Il pose une main sur le front et fait mine de réfléchir. Puis, explique. Descendez comme ça, je pense que c’est là-bas.
Une fois au lieu indiqué, je trouve quelques personnes amassées le long de la chaussée. Ils se rendent, d’aucun à Ngambè, d’autres à Ndom, les passagers de Nyanon sont aussi présents. D’aucun sont sur les lieux en attente d’une voiture depuis 1 heure. Je reçois la nouvelle comme la victoire de Lando Norris devant Max Verstappen à Zandvoort. C’est le début de la panique. Cinq. Dix. Vingt. Trente minutes. Aucun signe d’un véhicule. Ça commence à chahuter.
Le groupe se divise. D’un côté ceux qui pensent qu’il faut aller explorer l’option de Mokolo et de l’autre, ceux qui estiment qu’il faut attendre. Le chargeur de circonstance ne cesse de rassurer qu’il a fait appel à un véhicule. Plus personne n’y croit à son histoire. J’appelle mon contact à Nyanon pour lui faire part de la situation. Il me conseille également de guetter du côté de Mokolo. Le voyage de Yaoundé pour la localité de Nyanon, c’est entre 4 heures 30 et 5 heures de route. L’enterrement est prévu pour 15 heures dans le programme.
Il est 5 minutes de 10 heures quand une Toyota Avensis wagon des années 2000 ou 2001 par-là, gare sur la chaussée devant nous. La bousculade commence. Le chargeur de tout à l’heure revient à la charge. Le transport c’est 5000 fcfa ! Lance ce dernier après une consultation avec le chauffeur. Celui qui ne veut pas descend ! ajoute-t-il. Les éclats de voix se font entendre çà et là. « Pourquoi ? » « On paie souvent 3500 comme il n’y a pas de voiture vous augmentez les prix aujourd’hui » peut-on entendre. Mais personne de ceux qui étaient déjà dans la voiture ne cède sa place. Une fois le chargement à l’avant terminé, l’artilleur se tourne vers nous et indique qu’il reste la malle arrière avant d’ajouter que c’est probablement la dernière voiture de Nyanon de la journée.
Deuxième coup de massue ! pong ! La nouvelle m’électrise. Heureusement que je suis toute de noire vêtue. Reporter dans l’âme, je monte et m’installe. Quatre autres personnes m’y rejoignent. Les pieds tendus comme une veuve qui vient de perdre son mari, on essaie d’équilibrer pour que chacune puisse être à l’aise. Deux personnes d’un côté et trois de l’autre. En plus, la dame à côté de moi a son sac de pain et son seau de provision qu’il faut faire entrer. Quatre personnes devant, cinq derrière et cinq à la malle arrière. La voiture démarre et se faufile entre les ruelles de Yaoundé.
Chauffeur! On a perdu un passager
Premier arrêt, Mokolo élobi. Le chauffeur gare pour prendre le carburant. Les réactions des passants une fois la malle ouverte démontrent que le phénomène est inhabituel. Vous exagérez ! C’est toujours l’argent que vous cherchez comme ça ? Lâchent les passants. 10 minutes plus-tard, le chauffeur est à bord. Il met la clé sur le contact et s’apprête à bouger le véhicule quand je crie pour signaler que ma voisine n’est pas à bord. Le message est repris par ceux qui sont sur le siège passager devant avant d’arriver dans les oreilles du chauffeur.
Il coupe le contact et on attend. 10 minutes plus tard, toujours aucun signe de la voyageuse. Les passagers s’impatientent. Le chauffeur fait le tour de la station, sans succès. Personne ne sait quelle direction elle a emprunté. Un débat éclate dans la voiture le camp de ceux qui veulent qu’on l’attende emporte sur les pressés. Intérieurement, c’est son plastique de pain de Selecte plus qui occupe mes pensées. Après plusieurs autres minutes d’inquiétude, elle finit par refaire surface. C’était une envie pressante. Et pas les plus ordinaires la cause de sa disparition aussi longue. Ouf ! On peut enfin partir…
Notre Michael Knight commence à avaler les kilomètres qui se hissent entre nous et Nyanon. A peine 1 heure de route que le véhicule s’immobilise à nouveau. Plusieurs passagers étaient déjà dans les douces et tendres mains de Morphée. Le réveil est brusque. Ce n’est pas une bonne nouvelle qui nous accueille. Le chauffeur descend, ouvre le capot et secoue la tête de gauche à droite. La scène nous est contée par ceux qui sont à l’avant. Quelques minutes plus tard, le chaba finit par apercevoir la silhouette de ce dernier. Il est au téléphone. La conversation s’éternise. Après avoir raccroché il revient vers la voiture et annonce la mauvaise nouvelle « nous sommes en panne. J’ai appelé un garagiste qui arrive dans 30 minutes pour nous dépanner.»
Le désespoir se joint à l’inconfort… imaginez mon ressenti. Un à un, la voiture se vide de ses passagers et la longue attente commence. Nous sommes sur une colline (ah ! Yaoundé et ses multiples collines), à 800 m de la carrière de Febe-village. Le rythme accéléré des camions qui entrent et sortent de la carrière laisse au passage des nuages de poussière. Même la citerne qui passe de temps à autre arroser l’accès n’y change pas grand-chose.
Quelques maisons sont visibles de part et d’autre mais aucune trace d’un bar dans les environs. Tic-tac ! L’aiguille des minutes semble tourner au ralenti. Le chauffeur subit de plus en plus la pression des passagers, impatients. 45 minutes plus tard, le garagiste arrive. Il détecte le problème sous la roue avant côté chauffeur. Ladite roue est démontée, la courroie réparée, nous reprenons place dans le véhicule. Il faut affronter la route poussiéreuse de Febe-village. A chaque grincement de pneu ou choc dans un trou, on craint une nouvelle panne.
La route qui va de Yaoundé pour Lobo est en piteux état. Zamegoué-Evoudoula projet compris dans la boucle de la Lekié, nous soulagent de nos peines. La route est praticable. Nous rallions enfin l’axe bitumé. À Evodoula la ville affiche fière allure. Le bitume est encore éclatant, signe que les travaux à ce lieu sont encore récents. Après chaque heure, comme un cool break, lors des matchs en plein été, le chauffeur fait des arrêts « détente des pieds » au grand bonheur des voyageurs du chaba que nous sommes. Des pauses qui permettent de masser les pieds et réorganiser les espaces assis. A chaque arrêt, je demande au chauffeur si nous sommes enfin arrivés.
Evoudoula, Nguibassal, Nyanon, comme un signe des temps, personne ne descend à ces escales. 14 heures 38 minutes, soit 3 heures de route plus tard, la voiture stationne à nouveau. Cette fois-ci est la bonne. En ouvrant la malle, c’est presque des traits de satisfaction qui se lisent sur le visage du chauffeur. « Madame, vous êtes enfin arrivée ! » Je vous laisse imaginer dans quel état « »poussiéreuse » je suis.
(article a été rédigé par Armelle SITCHOMA dans le cadre de la campagne initiée par l’Association des Blogueurs du Cameroun en prélude à la célébration de la journée du blogging.)