Cameroun - Afrique abc@blogueurs.cm

From the blog

Webinaire de l’ABC sur la désinformation politique au Cameroun : ce qu’il faut savoir

Le vendredi 02 mai 2025, l’Association des Blogueurs du Cameroun (ABC) a inauguré une série de webinaires consacrés à la lutte contre les discours de haine et la désinformation au Cameroun. Animé par trois experts en factchecking (Mathias Mouende Ngamo, Badal Fohmoh, Chancelin Wabo) et modéré par Romulus Dorval Keussié, journaliste fact-checker, cet événement a permis de décrypter les mécanismes de la désinformation politique dans notre pays.

Affiche officielle du webinaire. C: ABC

Le contexte politique actuel 

Dans l’arène politique camerounaise, l’information est bien plus qu’un outil de communication : elle est devenue une arme. C’est l’un des premiers constats faits par nos panélistes. Au Cameroun, la désinformation s’est installée comme un levier redoutable dans les luttes d’influence, en particulier lors des périodes électorales ou de tensions politiques. Si la circulation d’informations douteuses n’est pas nouvelle, l’explosion des réseaux sociaux et l’absence de régulation stricte de l’espace numérique ont amplifié le phénomène. De la manipulation de faits à la propagation de fausses identités, en passant par la création de contenus fabriqués, la désinformation est aujourd’hui un véritable instrument de stratégie politique. Alors que les réseaux sociaux façonnent l’opinion publique plus rapidement que les médias traditionnels, la désinformation devient un jeu politique risqué, aux conséquences potentiellement explosives.

Une guerre numérique alimentée par les camps politiques

La désinformation au Cameroun prend souvent la forme d’une guerre d’opinions où les différents camps politiques se livrent à une bataille numérique acharnée. Ici, la désinformation ne relève plus du simple canular ou de la rumeur isolée ; elle fait partie de stratégies de communication politique planifiées. Campagnes coordonnées sur WhatsApp, pages Facebook anonymes ou officielles, comptes X (ex-Twitter) usurpés, faux médias en ligne : tous les moyens sont bons pour propager des rumeurs, ternir l’image d’un adversaire, semer le doute ou détourner l’attention du public.

Certains contenus viraux sont conçus pour paraître crédibles : photos sorties de leur contexte, vidéos truquées (deepfakes), faux profils créés pour propager des récits biaisés, sites web imitant des organes de presse, ou encore faux sondages d’opinion. Le but ? Influencer la perception du public, semer la confusion et consolider un discours favorable à une faction donnée.

Des influenceurs instrumentalisés

Dans cette guerre de narratifs sur les réseaux sociaux, blogueurs, influenceurs et leaders d’opinion sont parfois enrôlés – volontairement ou non – dans ces campagnes de manipulation. Ces actions ne sont pas toujours coordonnées par des acteurs politiques officiels. Parfois, elles émanent de sympathisants zélés, d’influenceurs opportunistes, motivés par des offres de collaboration, des rémunérations indirectes ou un accès privilégié à certaines informations : autant de moyens utilisés pour orienter leurs discours. Le danger ? Leur crédibilité peut donner un vernis de vérité à des contrevérités habilement construites.

Médias traditionnels : entre pression et défi

Face à la montée des fake news, les médias traditionnels – presse, radio, télévision – peinent à suivre le rythme et se retrouvent eux aussi pris dans l’étau. Entre manque de ressources pour vérifier l’information et pressions politiques, certains rechutent dans la publication non vérifiée ou l’autocensure. Il est arrivé à plusieurs médias de publier des informations biaisées, avant de devoir rectifier ou se justifier. 

Dans ce paysage médiatique où la polarisation est fréquente, la crédibilité des journalistes est mise à rude épreuve, et le public se retrouve de plus en plus désorienté, voire désabusé.

Une image des mass médias. C: Freepik

Un coût social et démocratique élevé 

La désinformation n’est pas sans conséquence : elle fragilise les institutions démocratiques, alimente les tensions communautaires, accroît la méfiance envers les médias et les partis politiques, et affaiblit le débat public.

Des réponses encore insuffisantes 

Les acteurs de la lutte contre la désinformation font leur travail : vérifier, rétablir la vérité. Certains acteurs de la société civile s’organisent pour proposer des contenus plus rigoureux, et des initiatives offrent des formations à l’éducation aux médias (EMI).

Mais leurs actions, à elles seules, restent insuffisantes. Ces efforts nécessitent un soutien institutionnel fort, un renforcement du cadre juridique, bien sûr, sans basculer dans la censure, et surtout, une mobilisation citoyenne autour de la vigilance informationnelle et de l’esprit critique.

Une urgence collective

Loin d’être un simple phénomène passager, la désinformation s’installe comme une méthode politique redoutable. Il est donc urgent d’agir collectivement avant que les conséquences ne deviennent irréversibles. À l’ère de la surinformation et des manipulations numériques, les repères vacillent : ce qui est vrai un jour peut être remis en cause le lendemain par une rumeur virale ou une vidéo sortie de son contexte. Dans ce jeu à haut risque, ce n’est pas uniquement la vérité qui est menacée, mais aussi la stabilité même de notre démocratie. Lorsque l’opinion publique se construit sur de fausses bases, le choix citoyen perd son sens et les institutions vacillent à leur tour. 

Badal Fohmoh/Sidoine Focgo Feugui 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *