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Tribune : que reproche-t-on aux blogueurs au Cameroun ?

Depuis quelques jours, quelques blogueurs camerounais ont maille à partir avec un certain nombre d’individus plus ou moins identifiés.

Des individus qui, à coups de publications incendiaires, fourre-tout et bien entendu dénuées de toute justesse et de tout fondement, cherchent à nuire à ces blogueurs en particulier et par ricochet à toute la communauté des blogueurs du Cameroun.

Ceci n’est malheureusement pas un coup d’essai. Le blogging a fait ses premiers pas au Cameroun il y a une quinzaine d’années. L’apprentissage s’est fait à pas de tortue, mais le progrès a été immuable, irréversible. De nombreux blogueurs camerounais ont obtenu une reconnaissance à la fois nationale et internationale, ceci grâce à leur travail, qui était à la fois méthodique et usant de ressources quoique limitées, mais utilisées à bon escient.

Pendant les quinze dernières années, les blogueurs sont passés d’abord par le statut d’illustres inconnus. On ne savait pas ce que c’était qu’un blog ou un blogueur. Par la suite, ils ont été taxés de simples d’esprit qui perdaient leur temps sur Internet. A la fin des années 2000, le courant mondial – surtout dans les pays ayant un problème avec la liberté d’expression – a été de faire porter aux blogueurs le costume d’agents de subversion. A tort ou à raison. Mais surtout à tort.

C’est dans ce contexte que les blogueurs camerounais, en vue de constituer une voix commune, ont décidé de se mettre ensemble en 2013 et de créer une entité légalement reconnue. Initiative qui a connu un échec, qui a surtout été causée par la difficulté de cerner cette pratique et par le fait que les blogueurs étaient considérés comme une bande d’agitateurs. A tort.

Quoiqu’il en soit, le mouvement n’a pas faibli. Il s’est même amplifié, avec une multiplication d’initiatives portées par des blogueurs soucieux de lever ce fâcheux amalgame qui desservait ce qui, de façon inéluctable, était en train de devenir une profession. Doit-on parler du rendez-vous annuel du « Forum des Blogueurs de Douala » ? Doit-on parler de l’activité mensuelle dénommée « Blog Hub » qui se tient à Yaoundé ? Doit-on mentionner « Je Suis Camerounais et Je Blogue » qui se tient tous les mois à Douala ? Doit-on oublier le « Bonteh Media Awards » qui a sacré 3 blogueurs en décembre 2017 à Buea ? Ou doit-on oublier qu’un blogueur a reçu une récompense lors de « La Nuit du Web » en 2017 ? Ou oublier ce blogueur camerounais qui a été récompensé en 2012 lors du plus prestigieux concours mondial de blogs ? Doit-on oublier la formation en blogging et en gouvernance web offerte en 2015 par l’AFCIG à Bamenda ou les formations dispensées par le Social Media 4 Change Cameroon en 2014 ? Et encore, la liste n’est pas exhaustive.

Les pourfendeurs du blogging, ont-ils jamais participé à ces ateliers ? Ont-ils eu vent de tous ces lauriers glanés par les blogueurs camerounais ? Si oui, ils comprendraient le sérieux avec lequel la question du blogging est traitée dans notre pays. Et ils pourraient, au passage, découvrir que la communauté des blogueurs au Cameroun est plus vaste, riche et diversifiée qu’ils ne se l’imaginent.

Après avoir subi le courroux des journalistes, dont l’un en particulier a été virulent, qui considèrent que le blogueur fait leur métier mais au rabais (alors qu’il ne s’agit pas du même métier) ; après avoir fait face à des propos d’une rare violence provenant d’un représentant de la nation à la fin de l’année 2016, aujourd’hui, le blogueur camerounais se retrouve sous le feu d’artistes et d’internautes plus ou moins identifiés qui ont pour unique intention de saper le travail qu’il fait.

Aucune nuance n’est mise dans le propos. Les blogueurs sont tous logés à la même enseigne : celles de personnes avides. Cette conception démontre une seule chose : l’ignorance du fait que les blogueurs au Cameroun sont une communauté extrêmement diversifiée, que l’écrasante majorité de blogueurs dans notre pays est constituée de passionnés qui n’ont jamais touché un centime pour produire quoi que ce soit et sont de ce fait absolument inattaquables sur ce point.

Est-ce une raison pour jeter l’opprobre sur ceux qui ont décidé de faire de cette passion pour le blogging un métier dont ils vivent ? Non.

Comme d’habitude, ce qui dérange, c’est la liberté et l’indépendance qui caractérise le blogueur. Puisqu’il se donne la latitude de dire publiquement ce qu’il pense (ce qui n’est pas évident pour tout le monde dans le contexte de notre pays), il est sujet à toutes formes d’attaques, quelles que soient les thématiques dont il se fait l’écho.

La contradiction est certes utile ; elle est même l’un des fondamentaux de la démocratie. Mais elle ne doit pas dissimuler un ressentiment ocre, des contre-vérités, ou des volontés de règlements de comptes déguisés,cherchant à faire vaciller une activité qui est un vecteur d’expression sociale déjà assis et qui effectue sa mue pour devenir un acteur de la création de richesses dont notre pays a besoin.

René Nkowa, président de l’Association des Blogueurs du Cameroun

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