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Yaoundé : Le travail des enfants est une norme culturelle

Les uns pensent qu’il est inadmissible que des enfants aussi jeunes se livrent à de telles activités alors que d’autres estiment que la période des vacances est propice aux enfants pour aider leurs parents.

Le poids de ce large plateau d’arachides qu’il porte sur la tête l’écrase pratiquement sous un soleil de plomb. Le visage plein de sueur, les lèvres sèches et les vêtements sales, le petit Ignace Dongmo, âgé de 09 ans, est un quasi habitué des environs de la poste centrale de Yaoundé. Il hèle les passants à qui il propose ses arachides en criant : « arachides ; arachides ; arachides qui donne la joie au cœur maman ». Il profite du feu rouge pour se faufiler péniblement vers les automobilistes pour leur proposer sa marchandise. Et le manège se poursuit toute la journée. Comme lui, ils sont nombreux à profiter des vacances, pour investir les rues de la ville de Yaoundé ainsi que les marchés. On les voit, filles comme garçons, dont l’âge varie entre 4 ans et 14 ans, toute la journée, à déambuler entre les voitures, au risque même de se faire renverser par des automobilistes agacés, dans les marché, les trottoirs ; les gares routières et ferroviaires, les stations de péage ; les rues, les cabarets, les bars  et même des boîtes de nuit. Ils proposent tout un attirail de marchandises allant de plastiques aux piles en passant par les chewing-gums, des arachides, des bananes, des bonbons, des beignets ; des plantains et des safous cuits à la braise. Les raisons pour lesquelles ils se retrouvent dans la rue varient d’un enfant à l’autre. Mais une constante demeure cependant : c’est pour préparer la rentrée scolaire de septembre prochain. «  J’aide ma mère en faisant des économies pour préparer ma rentrée scolaire. C’est pour acheter mes fourniture scolaire, car elle a beaucoup de charge avec mes frères et sœurs », confie le petit Anatole, 10 ans, qui est en classe de 6ème cette année.

Cette présence des enfants dans les rues de Yaoundé est un sujet de polémique qui fait couler beaucoup de saline. Les uns pensent qu’il est inadmissible que des enfants aussi jeunes se livrent à de telles activités alors que d’autres estiment que la période des vacances est propice aux enfants pour aider leurs parents. « C’est vraiment terrible de voir le nombre d’enfants qui vendent dans nos rues. L’enfant doit être protégé et ce que les gens ne savent pas, c’est une forme de travail des enfants. Et c’est condamné par les conventions internationales et la loi camerounaise. Un enfant de 08 ans  qui vend des biscuits ou des bonbons, c’est pour faire quoi ? Que les parents prennent leurs responsabilités », dit Gertrude Ngono, surveillante générale dans un établissement privé de la place. A cela, Antoine Tchatat, parent de six enfants, rétorque que « cela est nécessaire quand les parents rencontrent des difficultés. On n’a parfois pas le choix. Je suis à la retraite et ma femme est la seule personne qui ramène de l’argent avec son commerce de plantains grillés et des safous. Il faut que  tout le monde mette la main  à la pâte pour qu’il y ait un bénéfice. C’est la situation économique actuelle qui veut cela. On  n’a pas le choix ». Et pourtant dans le quotidien de ce travail, ces enfants sont souvent victimes de personnes sans foi ni loi qui dépouillent de leur recette ou des filous qui consomment leur marchandise sans payer. Et parfois cela va plus loin. « Cela expose des enfants aux accidents de la circulation, au vol, à la prostitution, à la pédophilie, aux pratiques occultes, bref à toutes formes d’abus. Et il est également susceptible d’affecter la santé physique, mentale et sociale de ces enfants », a déclaré Marie Thérèse Abena Ondoa, ministre de la Promotion de la femme et de la famille, lors du point de presse qu’elle a donné conjointement avec le ministre du Travail et de la sécurité sociale, Grégoire Owona, la ministre des Affaires sociales et le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé. Leur objectif était de sensibiliser les parents avec les partenaires techniques et financiers et des organisations de la société civile à tous les parents, aux famille et communautés pour plus de responsabilité et surtout le bien-être des enfants. «  Nous tous avons eu à faire le petit commerce quand on était jeune. Et c’était sous la surveillance de nos parents », a déclaré Rose Zang Nguélé, adjointe au délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé. « Le gouvernement ne ménage aucun effort pour le bien-être de ses populations. Les parents doivent faire le maximum pour veiller sur les enfants. Soyons des parents responsables », a poursuivi Grégoire Owona, Ministre du travail et de la sécurité sociale. C’est une responsabilité collective qui commence par les parents, qui continue au niveau de la famille, de la communauté. Et il faut que chacun se sente responsable du bien-être de l’enfant.

L’Etat camerounais essaie d’enrayer et de faire disparaître le travail des enfants, mais la norme culturelle au Cameroun est bien difficile à changer. La 30        ème édition de la journée de l’enfant Africain 2020 sera célébrée le 16 juin prochain, sur le thème : « L’accès à une justice adaptée aux enfants en Afrique ». La journée de l’enfant africain a été instaurée le 16 juin 1991, par l’organisation de l’Unité africaine (devenue UA) en vue de commémorer les émeutes de Soweto (Afrique du Sud) aux quelles environ 20 000élèves ont pris part en 1976. Dans les pays, les organisations de la société civile saisissent cette occasion pour faire entre autres, des plaidoyers à l’endroit des décideurs pour l’amélioration des conditions de vie des enfants.

Elvis Serge NSAA

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