Il me faut d’entrée de jeu avouer que je suis totalement d’accord avec l’assertion selon laquelle la sagesse vient avec l’âge, même si je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que l’âge confère la sagesse, car même les cons vieillissent ! Pendant toute mon adolescence, j’ai cru — et presque tous les jeunes de mon époque avec moi — qu’on était un vrai homme qu’au nombre de petites amies qu’on avait. J’ai traîné cette pensée jusqu’à très récemment encore, moment auquel un petit moment de discernement m’a persuadé du contraire et m’a transformé complètement.
De ma réputation de Don Juan
J’ai commencé avec les histoires de copines très tôt, mon développement physique précoce aidant. À treize ans, j’ai eu droit à ma première conquête, même si je ne suis passé à l’acte que deux ans plus tard, avec une fille tout aussi vierge. Je me souviens que ce n’était pas du tout facile pour cette première fois pour les deux « innocents » que nous étions. Mais bon, laissons cette partie de l’histoire pour une autre fois.
Mon premier rapport sexuel a eu sur moi un effet d’envoûtement. J’étais devenu presque un obsédé. Une seule petite amie était alors insuffisante pour satisfaire ma libido. Je m’étais alors lancé résolument, mais dangereusement, à la quête du plus grand nombre de « petites » possible. Les encouragements de mes amis et le respect dû à mon désormais titre de Don Juan m’avaient convaincu que j’étais sur la bonne voie. On m’avait d’ailleurs donné le pseudonyme de « Rouancho » ; qui avait regardé la série télévisée « La belle-mère » diffusée par la chaîne privée Canal 2 International sait qui c’était et par ricochet, qui j’étais alors. Des femmes, j’en avais à en redistribuer : jusqu’à 6 copines à la fois, et seules les chanceuses réussissaient à faire trois mois de relation avec moi. Mon côté frivole était d’ailleurs le seul défaut sur lequel tout le monde était d’accord pour me condamner, car en dehors de cela, j’étais très bon enfant.
Un petit moment de lucidité et puis, retour à la case conscience
Même jusqu’en fac, j’ai traîné le même comportement. Même plus tard, étant marié, c’était pareil. Mais le problème cette fois-ci, c’est que cette vie de coureur de jupons mobilisait assez de fonds et me ruinait sans que je ne m’en rende compte… jusqu’à cette soirée fatidique.
En effet, alors que je me rendais en ville pour gérer un dossier, assis derrière BABANA, sur sa moto noire qui ne se laissait pas faire face aux gros cylindrés, aux gros porteurs et au vent rabat-joie qui soufflait à cette heure de la soirée, sans raison apparente, je me suis mis à réfléchir à ma vie et à tout ce que ça impliquait : le temps consacré à chacune de mes conquêtes, les dépenses faites, les efforts pour les maintenir cachées au vu et au su de mon épouse, etc. Je me suis alors rendu compte que je menais une vie catastrophique, en m’y plaisant paradoxalement. Sans doute parce que j’étais jusqu’alors ignorant du fait que je fonçais vers l’abîme et que je regretterais ma vie sans aucun doute dans un futur proche ou lointain.
J’avais alors fait un récapitulatif et un calcul éclair des dépenses faites sur mes petites amies, sans prendre en compte celles faites pour mon épouse et qui paraissaient, tout naturellement, logiques. Voici ce à quoi j’étais parvenu :
– argent de poche : 5000 f/semaine × 6 = 30 000 f ;
– dépense pour prise d’un pot : 5000 f/semaine × 6 = 30 000 f ;
– frais d’auberge : 4000 f/copine/semaine × 6 = 24 000 f ;
Total = 84 000 f/semaine × 4 semaines pour le mois, pour un montant net de dépenses FUTILES de 336 000 f CFA.
Après ce calcul rapide, j’avais failli tomber de la moto, tellement le montant était faramineux. Et projeté sur un an, j’obtenais une grosse somme de 4 032 000 f CFA jetée par la fenêtre pour un besoin éphémère que je pouvais trouver chez moi auprès de mon épouse.
Le choc… puis la grande décision
J’étais mal ! Très mal même ! Durant le reste du trajet, ce montant de plus de quatre millions l’an trottinait dans ma tête. Je n’arrivais pas à en croire mon cerveau qui, suite à ce calcul, m’avait vomi en pleine figure ce montant presque odieux, même pour moi qui suis entreprenant. Je m’étais demandé comment cela aurait été possible de dépenser autant si j’étais salarié. Je me posais des questions sur ce que j’aurais pu entreprendre avec cet argent si j’avais réussi à garder « ma queue » entre mes jambes en restant fidèle à mon épouse ; jusqu’où je serais déjà en termes de succès dans mes investissements si j’avais une vie sexuelle disciplinée.
Une fois retourné chez moi ce soir-là, j’entrepris de me séparer de tout ce surplus de relations qui ne m’avaient que déjà trop ruiné comme ça, et de tout faire pour rester fidèle à mon épouse afin de réorienter ces dépenses à mes activités. Mais seulement, vais-je réussir, sachant qu’il y a un fort hiatus entre le vouloir et le pouvoir, et surtout que les vieilles habitudes ont la peau dure ?
(article a été rédigé par Posié-Monthé dans le cadre de la campagne initiée par l’Association des Blogueurs du Cameroun en prélude à la célébration de la journée du blogging.)