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Tchakounte Kemayou : le blogueur du jour

Mon aventure avec le blogging commence véritablement avec Mondoblog, la communauté de blogueurs francophones de Rfi en 2013. C’est une aventure qui n’est qu’un aboutissement de multiples challenges de l’enfance jusqu’aux années de fac à l’Université de Douala.

La passion du blog n’est pas du tout spontanée. Elle découle des circonstances assez tumultueuses vécues et qui ont finalement eues le dessus sur l’éducation familiale, je veux dire sur le destin qui aurait dû être le mien.

Je suis né le 20 août 1976 à 15h30 à l’hôpital de Deido à Douala. Bien qu’enfant de New, j’ai d’abord été élevé par les sœurs Canadiennes au Centre National de Réhabilitation des Personnes Handicapées d’Etoug Ebe à Yaoundé de 1980 à 1985. Paraplégique à 3 ans après une polio, vivre dans un centre de réhabilitation était un luxe à cette époque. C’est important de le savoir parce que les enfants, nés ou devenus handicapés (aveugles, albinos, sourds ou malentendants, paraplégiques, etc.) était considérés comme des « colis encombrants ». Il y en a qui passaient leur enfance dans des sortes de prisons en famille ou encore qui étaient carrément abandonnés. Malheureusement, il existe encore des pratiques de ce genre bien que cette situation change peu à peu. Je vous raconte tout ça pour une raison simple : le Cameroun est un pays où les personnes handicapées étaient tuées, si vous ne le saviez pas.

Le centre est venu sauver les enfants comme moi d’un destin qui n’aurait pas été le mien : la déprime, ou la folie, ou la mort. Je n’ose pas vous dire combien d’enfants handicapés ont été oubliés, abandonnés, voire tué parce que les parents étaient accusés d’avoir mis au monde « un enfant maudit », « un enfant sorcier ». Ma feue mère sait combien elle a souffert du traumatisme au point même d’être accusé par son mari, mon père. Fonctionnaire de son état, celui-ci a été informé de l’existence d’un centre créé par les prêtres canadiens qui lui ont expliqué que je n’étais pas un enfant sorcier.

L’enfant handicapé qui est considéré comme un « coli encombrant » a forcément des challenges à surmonter, des défis à relever. Pas seulement pour prouver aux parents, à la famille, à l’entourage, qu’ils se trompent sur votre personne, mais surtout pour se surpasser lui-même, pour exister. C’était mon cas, et je garde d’ailleurs cette culture de dépassement de soi jusqu’à présent. aller à l’école à 10 ans et être le plus vieil élève de la classe ressemblait à une charge lourde à porter et dont je devais m’en débarasser.

J’ai été animé par cette culture de dépassement au point où j’étais toujours tenté de faire quelque chose de différent par rapport aux enfants de mon âge. Par exemple, pendant que mes frères avaient des jouets comme les voitures, les fusils, j’exigeais à mon père les livres de contes. Pendant que les autres enfants du quartier jouaient en courant dans les sens, je devais trouver quelque chose à faire pour ne pas rester malheureux. J’ai donc eu pour habitude de rester avec des personnes qui ne jouaient pas, donc plus âgées que moi et de faire comme elles : écouter la radio, lire les journaux et… parler de politique, des choses des grands.

J’ai grandi dans cette atmosphère, dans cette culture qui a finalement forgé ma personnalité : je suis toujours en train de vouloir me surpasser en refusant de demander de l’aide. Car pour moi, une personne handicapée qui n’est pas autonome, est une personne qui n’existe pas. Et la meilleure manière de le faire, c’est de toujours rendre service à celui ou celle qui me sollicite. Je prends toujours soin de rendre satisfaction. De manière inconsciente, les autres ont tendance à m’accorder des circonstances atténuantes compte tenu de mon état de handicap. Ce qui n’est pas mauvais du tout. Mais l’inconvénient c’est que la personne handicapée en profite pour ne rien faire. Bien entendu, je fais ce qui est faisable. Même si je suis un rêveur et un bosseur, je sais où se trouvent mes limites.

Aller à l’école jusqu’en doctorat, bloguer sur des sujets que très peu de personnes osent aborder, acheter et lire des ouvrages de philosophie, de sociologie, de droit et de sciences politique comme faisant partie de mes loisirs, me mettre au service des minorités en plaidant leur cause, tels sont les défis qui m’animent. Je n’aurais jamais de pitié avec l’ordre diminuant qui abandonne les plus faibles au nom de je ne sais quel principe. Le blogging est pour moi comme un acte d’affirmation de soi, d’affirmation de ma personnalité avant d’être un acte citoyen au service de ma communauté. Le blogging est pour moi ce que la kalachnikov est pour un soldat.

Ma posture et l’orientation de mes contenus de blog, également des réseaux sociaux comme Facebook, laissent perplexe beaucoup de personnes qui me suivent. Les préoccupations qui les animent sur les tendances subversives des contenus sont peut-être fondées. Cependant, il serait intéressant, pour ceux qui aimeraient encore me connaitre davantage, de jeter un coup d’œil dans un article de mon blog que j’ai commis pour la circonstance. Vous comprendrez, j’en suis certain, les raisons de cette posture anticonformiste qui est la mienne.

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